Dans un climat extrêmement tendu, les sénateurs ont rejeté à 211 voix contre 44 l’article du projet de loi relatif au traité AECG (CETA en anglais) de libre-échange entre l’UE et le Canada, appliqué provisoirement depuis 2017 mais jamais soumis à la chambre haute.
Ils ont ensuite confirmé ce rejet par un vote définitif. Le coup a été porté à l’initiative du groupe communiste avec le soutien de la droite.
Le traité, signé en 2016 et adopté en 2017 à l’échelle européenne, étant très décrié en France, dans un climat marqué par la crise agricole et tendu autour des enjeux européens avant les élections européennes de juin.
C’est « un coup de tonnerre politique », une « victoire démocratique », a savouré le sénateur communiste Fabien Gay.
Le ministre délégué au Commerce extérieur Franck Riester a lui dénoncé « une manœuvre grossière, une manipulation inacceptable aux lourdes conséquences pour notre pays » et « un signal désastreux » pour le Canada.
« C’est simplement un coup politique que les communistes, les socialistes, avec le soutien des Républicains, font en pleine campagne électorale des élections européennes au détriment de l’intérêt général », a-t-il ajouté.
Ce rejet du Sénat ne suffit pas à lui seul à dénoncer l’accord à l’échelle européenne, mais les déboires du gouvernement français sur ce sujet sensible sont loin d’être terminés.
Les députés communistes ont annoncé qu’ils inscriraient ce texte dans leur temps parlementaire réservé à l’Assemblée nationale le 30 mai, à dix jours des élections européennes.
« Le vote d’aujourd’hui ne peut rester lettre morte », ont-ils estimé dans un communiqué.
Les députés avaient approuvé de justesse la ratification du AECG en 2019, mais le camp présidentiel a perdu la majorité absolue au Palais Bourbon, ce qui augure d’un possible rejet du texte.
Dans cette hypothèse, l’équation deviendrait alors très complexe :
- Soit le gouvernement notifierait à Bruxelles qu’il ne peut ratifier le traité, ce qui entraînerait la fin de son application provisoire pour toute l’Europe ;
- Soit il temporiserait, au risque de s’attirer les foudres des oppositions qui crieraient alors au déni démocratique.
Actuellement, dix États membres n’ont pas terminé le processus de ratification et un seul l’a rejeté : Chypre.
Mais Nicosie n’a jamais notifié ce rejet, ce qui permet à l’accord de continuer de s’appliquer.
Une autre hypothèse circule parmi les parlementaires : l’exécutif ayant la main pour transmettre un projet de loi d’une chambre à l’autre, il pourrait ne pas transmettre le texte à l’Assemblée nationale, ce qui empêcherait de facto son inscription à l’ordre du jour le 30 mai.